C'était il y a deux mois, le samedi 30
juin.
Je zappais sur la trois alors que le
générique défilait sur le visage souriant de Nagui. C'était le
journal télévisé. J'allais changer de chaîne à nouveau, puisque
le départ de Laurent Blanc du poste de sélectionneur de l'équipe deFrance m'intéressait autant que la vie trépidante d'un oursin
albinos et paraplégique, quand la présentatrice, le regard bleu
figé dans celui du téléspectateur se mit à parler de mariage et
d'adoption pour tous. Soudain ce fut le tilt. Pris par mes travaux
dans la maison et la cuisson médiocre de mes gâteaux, j'avais
complètement oublié que c'était la Gay Pride à Paris. Au fond, ce
n'était pas si grave puisque je n'y allais pas et que de toute
façon, le train coûte trop cher.
Entre robe de mariée, maquillage de
camion volé et slip moulant remuant au rythme effréné de la
musique, les participants défilent. Le reportage a annoncé une
ambiance particulière, sans doute en raison de l'annonce de
l'autorisation du mariage homosexuel pour le premier trimestre 2013.
Deux trois interviews, des mots et des voix différentes mais un même
message : « Enfin ! ». Sur le petit écran de
mon salon défilent des sourires, des cris de joies sans pour autant
oublier les inquiétudes. Le cortège de l'homoparentalité, composé
de couples avec leurs enfant équipé de casques de chantier pour ne
pas subir la cacophonie environnante, doit être celui qui m'a le
plus touché. Au fond c'est pour ça qu'ils défilent. Mais ce n'est
pas la joie qu'on entend dans la voix de cette femme qui pousse sa
fille mais plutôt l'inquiétude, l'attente de la réalisation des
promesses. Au fond de moi, sans le dire, j'espère que son souhait
sera exhaussé. Le reportage se termine sur l'esprit de fête, un
homme peu vêtu danse en collé-serré avec un autre puis finalement
c'est l'image d'un jeune homme et d'une jeune fille souriante qui
s'embrassent qui clos le tout.
La présentatrice, tout en dansant sur
sa chaise, enchaîne sur les vacances et très, comme d'habitude, je
me lasse de l'écran. Alors j'éteins mais ne bouge plus. Je
réfléchis encore à ce que je viens de voir. Je ne sais vraiment
plus quoi en penser. Comme la plupart des gens, j'ai des amis qui
sont concernés par cette marche, je pense d'ailleurs qu'ils y
étaient. Pour eux j'ai envie qu'ils soient heureux et finissent par
obtenir ce qu'ils veulent. Oui mais justement, qu'est-ce qu'ils
veulent ? À cette question, la réponse qui me vient
automatiquement est « le mariage ». Du mariage découle
sans aucun doute possible l'adoption. Ah ? Je n'en suis pas si
sûr. Je n'aurai pas dit le mariage en premier moi. Le respect et la
reconnaissance me semblerait une meilleure réponse. Il faudra que je
leur en parle un jour. C'est bizarre mais j'ai l'impression que même
avec eux, on en parle pas. On en parle jamais en fait, sauf peut-être
quand il se passe quelque chose, comme la Marche des Fiertés ou
l'élection présidentielle puisque le sujet était pour certain
l'élément décisif de leur vote.
Le slogan de cette manifestation était
« 2012, l'égalité n'attend plus ». Mais au fond
de quelle égalité parlons-nous ? Il y a le mariage, certes,
mais il me semble que ce n'est pas ce qui est le plus important
aujourd'hui. Pour moi, le mariage c'est avant tout le moyen de faire
reconnaître l'existence de familles pas comme les autres, c'est
pouvoir protéger son compagnon, ou sa compagne en cas de problème
de santé ou ne serait-ce que lui accorder le droit de visite à
l'hôpital. Car oui, aujourd'hui les homosexuels ne peuvent pas avoir
d'information sur leur conjoint s'il est admis à en hospitalisation
pour la simple est bonne raison qu'ils ne seront pas considérés
comme de la famille, et ce peu importe le nombre d'années, de mois
ou de jours passés ensembles. Récemment encore, une
illustratrice que j'observe du coin de l'oeil, disait sur
Twitter :
Je repense alors à ces couples qui
défilaient avec leurs enfants. Les pauvres. Pauvres qui ?
Pauvres mamans, pauvres papas, pauvres bébés. Avant de voir des
homosexuels, j'ai vu des familles et de l'amour. On pourrait
facilement les critiquer, les rejeter, les insulter, mais j'ai lu un
jour ce conseil qui disait :« assied-toi tranquille,
réfléchis, fais un plan »1 (dans le cas
présent, Bagheera suggérait à son ami Baloo de ne pas se
précipiter à la poursuite de Mowgli qui avait été enlevé par les
singes sans foi ni lois). Mais que ce soit pour le mariage
homosexuel, pour sauver un ami dans le pétrin ou même pour se
lancer dans la vie c'est un conseil, une sagesse de jungle que je
vous invite à prendre en considération. Pesez vos mots, prenez le
temps de réfléchir à ce que vous pourrez dire, aux conséquences
que de simples sons peuvent provoquer. Dans ce genre
d'aventure, essayez de vous souvenir que vous n'êtes pas seul et
qu'une seule de vos actions peut blesser un grand nombre de personne.
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