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13 oct. 2012

Sur le dernier banc, dans la tête.


Sur mon dernier banc, dans ma tête. C'était là que ça se passait . La rage, la haine. L'unique envie d'en finir. Comment s'en sortir ? La question reste en suspend. On attends. Le verdict tombera, ma tête avec. Pourquoi ? Aucune idée, ce sont eux qui l'ont décidé ainsi. Et moi dans tout ça ? Qu'ai-je à dire, qu'ai-je à faire ? Rien, et rien. La vie est simple quand on a rien à faire. Il suffit d'attendre sur un banc qu'on te dise ce que tu peux faire, si tu peux bouger, si oui ou non tu as le droit de vivre. C'est con à dire mais ça fait du bien de ne pas avoir à penser. Il suffit d'attendre. Attendre, encore et encore. C'est sans doute la seule chose qui soit aussi passionnante que chiante ici bas. On voit, on vit, on pleurs, on se console, on meurt, fin. Tu attends. Entre deux attentes, il se passe un truc. Tu ne sais pas quoi, tu ne sais pas quand. Tu sais simplement qu'il s'est passé quelque chose. Tu étais trop occupé à attendre pour regarder. Finalement, même entre deux attentes on attends.

Qu'est-ce que j'ai fait ? Je ne sais plus. Je ne sais pas. On ne m'a jamais dit que je devais savoir. Ou alors j'ai oublié. Ça on m'a dit de le faire. Oublier. Vas-y, oublies. Pour vous c'est peut-être dur, pour moi c'est la chose la plus simple. C'est comme appuyer sur un bouton. Tiens, il en manque un à ma chemise, au niveau du col.

Pourquoi je suis là ? Je ne sais plus. J'ai oublié.

Le verdict tombe, ma tête avec.

*

*     *

Je vous ai ressorti un texte que j'avais écrit dans les couloirs de mon IUT, en attendant un prof. Il n'a pas de marque chronologique, il n'a pas de sens réel ni d'explication, il correspond juste à l'idée que vous vous en faites.

25 sept. 2012

Un jour, tu feras le bonheur d'un tueur


Le bruit des clés dans la serrure de l'appartement me réveille. Sans ouvrir pleinement les yeux, au risque de ne pas me rendormir, j'ai déjà franchi la porte de ma chambre. Traînant des pieds et l'esprit embrumé, je ne vois pas grand-chose dans le noir et je manque de trébucher sur le tapis. Je sens le courant d'air venant de la cage d'escalier venir lécher mes jambes dénudées, ce qui a le don de me faire frissonner. D'une voix mal réveillée, je m'entends demander :

« C'est toi, mon amour ? »

Pour seule réponse, j'ai le droit à un baiser à la volée. Cela va bientôt faire deux semaines qu'il rentre tard le soir, où le matin ; tout dépend de la façon dont on voit les choses.

« J'file sous la douche. » me dit-il à mi-voix. Il sait qu'il rentre tard et comme d'habitude, il parle tout bas pour ne pas réveiller mes migraines. « Va te recoucher, j'arrive tout de suite. »

Je profite de son passage pour lui caresser le dos en signe d'accord avant de tourner les talons pour aller m'affaler dans notre lit. J'entends l'eau siffler dans les tuyaux de la plomberie pendant une petite dizaine de minutes. Le temps me paraît incroyablement long, mais je mise sur ma fatigue chronique. Je l'entends enfin quitter la salle de bain. Le matelas rebondit sous son poids et je sens ses bras chauds, bien que légèrement humide m'enlacer. Il me sert contre lui et pose doucement ses lèvres sur ma joue. Là je me sens bien, car il est enfin rentré et qu'il est là, avec moi.

« Tu m'as manqué aujourd'hui. J'aurai voulu dîner avec toi. » lui soufflé-je.
« Désolé, j'avais un dernier dossier à gérer. »
« A trois heures du matin ? 
Il est chiant ton patron. »
« Sans doute... »

Je soupire, plus de fatigue que de dépit. Je me retourne sur moi-même pour capter son regard. Et nous restons là sans parler. En fait je crois que nous ne nous sommes jamais disputés. Depuis le début, quand quelque chose gênait, nous restions là à nous regarder sans un mot dit, juste avec les yeux. Comme d'habitude, je ferme les yeux, et ma déception est passée. Je me blottis contre lui, laissant alors Morphée nous emporter tous les deux, même si je sens que lui n'est pas totalement serein... .


~¤~


La matinée est déjà bien avancée quand les cloches de l'église d'en face me tirent enfin de mon sommeil. Je me défais de l'étreinte amoureuse de mon compagnon et me rends dans la cuisine. Une fois de plus, il est trop fatigué pour se lever, et je prends mon repas seule. Je me gratte la tête en étouffant un bâillement : mine de rien je sens que je suis toujours un peu vexée par son absence de la veille. Je glisse machinalement la dosette de café dans la machine, allume la radio et vais me poster à la fenêtre pour observer à travers les lamelles de bois du store tous ces pauvres gens tirés aux quatre épingles qui rentrent dans l'église. Comme tous les dimanches, je repère les « mama blacks », comme les appelle mon père, qui sont hautes en couleurs. Un sourire s'étire en travers de mon visage en repensant à ce jour où je l'avais entendu commenter les arrivées à un mariage.

« Oh la belle rouge. Oh la jolie bleue. Waow la verte elle est énorme. »

Mon père... . Un petit rire me fait tressauter.

Le café est prêt, j'attrape ma tasse pour la porter à mes lèvres. J'écoute à peine le flash info, mais j'apprends qu'une nouvelle victime a été trouvée lacérée dans une benne à ordure. La septième en quinze jours. J'éteins l'appareil, coupant le journaliste dans sa phrase : "je n'ai aucune envie de commencer ma journée par des nouvelles glauques..." Tout en buvant, je passe un regard inquisiteur sur l'appartement que je partage avec l'homme qui se trouve actuellement dans le lit. Du coin cuisine, j'ai une vue prenante sur tout le studio. De l'autre côté du plan de travail, perpendiculaire aux fenêtres, se trouve notre canapé en cuir vieilli. Je l'ai hérité du grenier de ma tante qui cherchait à s'en débarrasser. Mais vu le bazar régnant dans la pièce, j'en viens à me demander s'il n'était pas mieux sous les toits. 

Je lâche un soupir las et repose ma tasse. Il avait encore tout jeté en arrivant, et c'était à moi de ranger derrière lui. Je fais le tour de l'appartement en ramassant tous les habits qui traînaient. Finalement, ce n'était pas entièrement sa faute, à moins, bien sûr, qu'il ne porte des soutiens-gorges en dentelles rose dans mon dos. La pile de vêtements dans les bras, je me rends dans la salle de bains pour tout mettre dans le panier de linge sale. En ouvrant la corbeille en osier, mes yeux s'arrêtent alors sur un t-shirt blanc cassé qui était roulé en boule tout au fond. Posant le reste des habits à côté, je l'attrape et le déplie à hauteur de visage. Je le lâche la seconde d'après, retenant un cri d'effroi. C'était bien ce que j'avais vu : du sang. Le T-shirt en était maculé, et il y en avait beaucoup, trop peut-être. Ce T-shirt, il n'est pas à moi. Et vu la taille, ça ne peut être que le sien. Des milliers de questions se bousculent dans ma tête. Comment, pourquoi, à qui, quand … ? 

J'ai le cœur qui bat à 100 à l'heure. Mes poumons se raidissent et j'ai du mal à respirer. Oh non, pas une autre crise. Je ne contrôle plus rien. Je tremble comme une feuille. D'une démarche mal assurée, je fouille dans les placards au dessus de l'évier à la recherche de mes médicaments. Bordel mais où est cette foutue ventoline ? Je vide le placard sur le sol en bousculant son contenu avant de mettre la main sur l'inhalateur, enfin. Je m'assois comme je peux en essayant de ne pas me cogner et prends deux inspirations retenues du médicament. Ma gorge se détend, mes poumons aussi. Je sens l'air circuler plus facilement dans mes bronches, ce qui m'apaise. Je sens les lourds battements de mon cœur résonner dans ma tête, prémisse d'une affreuse migraine.
Abandonnant tout le linge sur le carrelage de la salle de bain, je retourne dans la pièce à vivre pour m'affaler dans le canapé. J'ai maintenant tellement mal à la tête que j'ai le sentiment qu'elle va exploser d'une seconde à l'autre. Pour certains, on dit en riant que ce n'est pas bon de réfléchir : pour moi c'est le cas. Et à cause de ça, je me suis condamnée à mourir conne.

Conne. C'était ce que j'étais. J'avais toujours eu plein de questions en tête et si peu de réponses. Mes angoisses se comptent par milliers, mes peurs par centaines et mes plaisirs... sur les doigts d'une main. Je suis pathétique, et cette douleur martelant dans ma tête en est la preuve. Je gémis tellement j'ai mal. Et dire qu'aucun médocs ne peut m'aider ; mon généraliste a même baissé les bras. Comme un bruit de fond, j'entends alors une voix familière.

« Gil ? »

Au fait, je ne me suis toujours pas présentée : je m'appelle Gillian et lui, c'est Pierre. Je le sens s'approcher de moi et me prendre dans ses bras. Il me caresse le dos et me murmure des mots tendres. Je le sens inquiet, j'ai l'habitude. Je n'entends pas grand-chose, comme un bruit de fond, mais je devine toute son inquiétude dans son regard et dans les vibrations de sa voix contre mon corps. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés là, je ne le sais jamais dans ces cas-là. Mais au final, ses bercements me calment et atténuent ma migraine. Peut-être que c'est ça que mon généraliste devrait faire.

« Gil, parle-moi ! Dis-moi ce qu'il se passe ! »

Je le regarde droit dans les yeux mais je ne réponds pas. Je suis perdue. Je ne sais plus quels mots je dois utiliser, quelles questions je dois poser. Pourtant, il y a quelques minutes encore je savais tout ça. Pierre me fixe en silence. Je lis dans son regard son incompréhension, sa peur. J'en suis émue. Finalement, le poids est trop lourd à porter et je fonds en larmes. Il me sert contre lui et se remet à me bercer pour me calmer, et moi je vide toutes les larmes de mon corps sur son épaule. Le tissu de son pyjama est trempé mais je m'en fiche, et je crois que lui aussi. Quand mes sanglots se font plus rares, je me défais doucement de son emprise pour me mettre face à lui. J'ai la gorge nouée mais j'essaye quand même d'articuler quelques mots.

« Je... j'ai... Ton tee-shirt. Il est... il y a du sang partout. »

Et puis j'ai peur. Et s'il était blessé ? Et si c'était grave ? Je me jette presque sur lui pour regarder. Sa peau est douce et elle dégage une chaleur agréable, celle qui m'avait fait craquer pour lui, mais pas de blessure. Rien. Que dalle. Son tee-shirt était tâché de sang, mais lui n'avait rien du tout.

« Pierre, explique-moi ! » Je sens l'adrénaline et l'angoisse monter au rythme où mes larmes se sèchent ; je n'ai plus la tête à pleurer. « Dis quelque chose, Pierre ! Qu'est-ce qu'il se passe ? Que t'est-il arrivé ? Pourquoi ton tee-shirt est plein de sang alors que tu n'es pas blessé ? »

Je m'éloigne un peu. Il essaye de me saisir les mains alors que je m'agite dans tous les sens. Je sens qu'il me cache quelque chose. C'est trop gros pour être passé à la trappe comme le reste.

« Mais de quoi tu parles ? T'es sûre de ce que tu racontes ? »
« Je ne suis pas folle ! J'ai bien vu le tee-shirt, j'ai bien vu le sang ! »

D'un bond, je sors du canapé et file chercher le vêtement qui n'a pas bougé. Une fois de retour dans le salon, je l'agite sous le nez de Pierre.

« Là, tu le vois là ? » crié-je avant de me calmer.
« Ça ? Mais ce n'est pas du sang ça, mon amour... »
« Pardon ? » J'en crois pas mes oreilles. Il cherche à me baratiner.
« C'est de la sauce Burger. Hier en rentrant du boulot j'suis passé en dépanner un pote qui en avait récupéré un pot et il s'est renversé sur moi dans les escaliers. »
« De... de quoi ? » je ne contrôle plus ma voix qui s'envole alors dans les aigus « de la sauce burger ? C'est ça ton excuse ? De la sauce bur.... Tu me prends vraiment pour une imbécile ? En plus si tu avais eu un pote avec un plan sauce burger, cela ferait longtemps que tu t'en serais vanté. »
« Gil... »
« DU SANG, Pierre ! Du putain de sang plein sur ton tee-shirt. Et tu sais c'est quoi le pire ? Les traces qu'il a laissé au fond du panier ; tu sais ce que ça signifie ? »
« Que... »
« QU'IL ETAIT FRAIS HIER ! »

La scène se fige, le temps semble avoir déserté les lieux. Je me sens déconnecté de mon propre esprit. Je sors de mon corps et je vois les choses d'un œil différent, d'un œil plus attentif. Oh mon Dieu... oh merde... Je tiens l'objet de ma crise fermement dans ma main, le bras tendu devant moi. Mon corps se crispe, mes muscles se raidissent de rage, de stress et de peur. J'ai l'impression que des milliers d'aiguilles filent à vive allure à travers moi. Et puis je prends conscience de ce que je viens de dire. Je me rends compte de la portée de mon raisonnement. Je me rends compte qu'en face de moi se trouve....

« Pierre ? » laissent s'échapper mes lèvres à mi-voix. Il me regarde toujours, le visage neutre, l'air d'avoir suivi mes pensées. Il répond.
« Hmm ? »
« Ca va faire deux semaines que tu rentres tard comme hier, et ce plusieurs fois par semaine. Et à chaque fois... »
Ma gorge s'est asséchée sans que je m'en aperçoive, j'ai la voix blanche et monocorde. Je sens une boule se former sous ma pomme d'Adam et un creux dans mon ventre.
« A chaque fois ? Continue, Gil ! »
« A chaque fois, le lendemain matin quelqu'un est retrouvé mort... . »

Autre silence gênant. Un léger courant d'air fait danser mes mèches folles ; Maman dirait que ce sont les anges qui viennent de passer qui jouent avec mes cheveux. Je secoue la tête et plaqua mes mains contre mon visage. Non ça ne peut pas être ça. Je sens le contact du tissu imbibé de sang séché contre ma joue. Je l'avais complètement oublié. Dégoûtée, un peu effrayée, je le jette loin de moi d'un mouvement brusque. Il va se laisser choir à côté de Pierre, qui ne m'a pas quitté des yeux. Pierre, toi qui me regardes comme ça, la bouche scellée, parle-moi. Dis-moi que ce n'est pas ça, que je suis juste folle, aussi folle que je le suis de toi. Et pourtant je ne sais plus. J'ai peur, j'hésite. Et voilà, je recommence à faire ma gamine. Les larmes sortent toutes seules. C'est en sentant mes mains mouillées que je m'en rends compte. Je sens des bras qui se referment doucement sur moi. Pierre. Tu es encore là. Quand tu ne parles pas, tu sais exactement ce que tu dois faire. Malgré mes craintes, je ne peux m'empêcher de me caler contre toi. Je me sens bien là. J'y suis réellement chez moi. Ici, rien ne peut m'arriver, nous arriver, devrais-je dire.

« Elizabeth Kennes. » dit-il simplement. Je ne comprends pas pourquoi. Je me retourne pour le regarder, lui demander silencieusement une explication. « Hier, c'était Elizabeth Kennes. Elle a détourné les fonds d'un orphelinat pour s'acheter une villa dans le Sud de la France. La plupart des gamins ont fini à la rue »

Il se tait, me laisse le temps de comprendre. Mes yeux s’écarquillent, ma mâchoire tombe.

« Avant... Jacques Nautrou. Un flic pourri qui prenait des commissions sur un réseau de prostitution d'immigrées. Il y a eu... »
« STOP ! Arrête ! »
« Bénédicte de St-Doyent, revendait des stupéfiants mal conçus »
« Je ne veux pas savoir...  »
« Plusieurs ados sont morts. Annie Lecolier, qui extorquait de l'argent à des familles en échange d'un bon rapport aux services sociaux. André Saverre, prêtre pédophile, »
« Tais-toi... »
« James O'Fitcher, il violait et battait sa femme et sa belle-fille. »
« Pourquoi tu me fais ça ? »
« ... »

Il ne répond plus. Il a enfin arrêté de parler. Durant son énumération, mes sanglots s'étaient faits spasmodiques. J'étais prise de haut le cœur, je le frappais mais il continuait. Ma tristesse me privait du peu de force qu'il me restait. Doucement j'avais glissé le long de son corps immobile et je m'étais accrochée à ses jambes. Je suis là, pathétique, à pleurer dans le jean d'un tueur. Mais je n'ai pourtant aucune envie qu'il parte. Et moi, est-ce que je dois partir ? Il se penche pour se mettre à ma hauteur. Son regard est doux et rassurant. Je sens une chaleur apaisante grandir en moi. Je crois que je m'en veux pour ça.

« Gil... ? »
« ... »
« Il fallait que je fasse quelque chose. Je... Je ne te demande pas de comprendre, ni de m'aider – je ne te ferai jamais ce tort – je voudrais juste que tu acceptes. Je ne veux pas te perdre pour ça, Gil. Je me rends bien compte que c'est risqué, stupide et illégal. Mais il fallait que quelqu'un réagisse, qu'une leçon soit donnée. Gil, regarde-moi. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi ce que tu vois. Est-ce que c'est le regard d'un psychopathe, d'un fou ? Je ne suis pas fou, Gil, et toi non plus. La société a besoin d'un coup de pouce pour avancer. Elle a besoin de peur pour comprendre. On vit dans un monde anormal, personne ne réagit à rien. Il n'y avait pas d'autres moyens. »
« Il y a toujours un autre moyen ! »
« Gil... »
« Comment peux-tu me demander de passer à côté de ça ? C'est trop gros ! Non mais tu te rends compte de ce que tu me demandes ? Ça porte un nom : complicité de meurtre. Ne me dis pas qu'il n'y avait que ça à faire. Il y a toujours un autre moyen... .Seulement, on ne le sait jamais. On ne l'a pas encore trouvé... . »

Je l'entends qui pousse un soupir de soulagement. Je ne sais pas combien de temps je tiendrai, mais je veux bien lui donner une chance. Je veux bien essayer.

« Je ne dirai rien à personne. Mais s'il nous arrive quoique ce soit, j'irai voir la police. »
« Merci, Gil... Je ne sais pas où j'en serais sans toi aujourd'hui. J'ai besoin de toi à mes côtés. »

Un petit rire jaune m'échappe, mais je me tourne vers Pierre et, lentement, me rapproche de lui. Sans se quitter des yeux, nos visages sont tout près l'un de l'autre. Je sens sa respiration effleurer ma peau. Je sens son odeur engourdir mes sens. Je sens que je l'aime, et qu'il m'aime. Si un jour on m'avait dit que je ferais le bonheur d'un tueur... .




Un petit récit sur thème que je n'avais pas prévu mais qui m'a été inspiré d'une phrase entendue à la volée du petit écran : "Un jour, tu combleras un tueur, mais pas moi, plus maintenant". Merci à Camille G. pour ... tu sais pourquoi.

21 mai 2012

Le chant



Aujourd'hui, je vois avec l'expérience du passé ce que le futur sera pour moi. J'ai connu l'amour alors qu'il était prohibé. La mort s'annonçait comme étant la seule issue que notre histoire pouvait connaître. La Mort... . Elle est ma collègue de travail. Je la vois tous les matins, dans ces regards gorgés de sang par la fatigue et la maladie, et le soir, couchée sous ces draps blanc qui défilent et disparaissent dans ces fosses, derrière le bâtiment C.

Ana était une jeune fille, fraîchement débarquée d'un convoi en provenance de Prague. Elle était d'ascendance bourgeoise et avait toujours vécu dans l'aisance et le luxe. Les premiers jours, elle était comme les autres, fière, la tête haute. Elle ne voulait pas courber l'échine devant nous, ce que je pouvais comprendre malgré ma position. Mais au fur et à mesure que le temps s'écoulait, que la nourriture et le confort lui manquait, que la crasse s'installait sur ses vêtements et sa peau, elle perdait de son éclat. Sa posture était de plus en plus timide et frêle. Les épaules tombantes, les jambes traînantes, Ana ressemblait chaque jour un peu plus à un zombie, un être décharné qui déambulait sans but, errant sans vie dans un monde d'immondice.

Il était 8:03 et les fourneaux du bâtiment C tournaient à plein régime. Comme chaque jour, une odeur épouvantable venait attaquer nos narines. Des toussotements se faisait entendre dans la cour où tous étaient. Ci et là, on pouvait voir les « survivants ». C'était ainsi que l'on avait appelé ceux qui voulaient rester debout malgré la contrainte, ceux dont la faible lueur d'espoir suffisait à faire fonctionner la locomotive de leur vie. Mais parmi eux se confondaient les fous, séniles ou tarés. Ana, elle, restait en marge d'eux, sans pour autant les fuir. Elle semblait avoir trouvé l'endroit idéal, entre la vie et la mort. La mort... .[...]

12 mars 2012

Entre deux temps


J’ai été confronté à quelque chose de nouveau aujourd’hui. Ce n’était pourtant pas un truc dont j’ignorais l’existence ; j’en savais la place que ça prenait aujourd’hui, les combats qui sont encore menés… et pourtant ça continu à me sidérer. Je me demande dans quel monde je suis tombé, qui sont c’est gens qui m’entourent, pourquoi font-il ça ? Tant de questions, si peu de réponses.

« Il était une fois… » Quelle belle façon de commencer une histoire. Mais je ne vais pas le faire. Parce que ce n’est pas mon histoire, ni celle d’un autre. C’est l’histoire de personne. C’est une histoire sans temps, sans lieu, sans nom.
            C’est une histoire universelle.

            Il y a un jeune adolescent entre deux temps. Ni trop jeune pour être écouté, ni trop vieux pour être entendu. Juste un jeune adolescent qui est sur le chemin du lycée l’air de rien peint sur son visage innocent. Si je devais le décrire, je dirais qu’il n’est pas très grand, tapant dans les un mètre soixante, soixante-cinq touts au plus. Il a des cheveux châtains qui tirent vers le clair au soleil et qui lui tombent sur le front dans une vague souple jusqu’au haut de ses grands yeux gris. Ah oui, c’est une tapette.

22 janv. 2012

§1 Cher P.


Tu te tiens en face de moi. Si tu savais comme je te hais. Oui, tu me regardes avec ton air supérieur. Tu aimes bien te croire meilleur que nous. Tu me nargues avec ton sourire faussement innocent. Tu grimaces dans son dos. Tu me cherches. Tu me connais et tu sais que je ne tiendrais pas.
« Vas-y, ris » pensais-je bêtement « tu riras moins plus tard. »

L'exaspération nous gagne. Elle et moi. Moi parce que tu m'as chauffé à blanc et que je suis sur le point d'exploser. Elle, parce qu'elle n'aime pas que je m'énerve. Tu sais que si je craque, je crierai. C'est comme ça. Tu me provoques. Je craque. Je t'engueule, te hurle dessus, parfois te frappe. Tu réponds. Ah ça tu sais le faire. Tu es comme un miroir. Je fais quelque chose et tu me le renvois. Et ça fait mal. Mais moins mal que lorsqu'elle intervient. Parce que tu joues et moi pas, elle s'en prend à moi. Parce que j'ai crié plus fort, parce que je m'énerve le plus souvent. Parce que tu prends cet air de chien battu devant elle et rejettes la faute sur moi. Alors, je m'énerve encore plus. Même devant elle je te crie dessus. Elle s'énerve à son tour, contre moi. Toi tu te mets en recul et tu observes. Tu regardes ces deux bêtes sauvages qui se battent. Tu ris intérieurement de notre primitivisme. Tu te sens supérieur. Ah tiens l'un d'eux faiblit. Moi, évidemment. Parce que tu sais que je ne pourrai jamais rivaliser avec elle. J'ai trop de respect pour elle.
J'ai mal. Pas physiquement, pas toujours. Non j'ai mal en moi. Parce que je crie contre elle, que je la blesse, que je t'ai blesséavant, que tu te réjouis de ma souffrance.

Mais moi je t'aime. Je l'aime. Malgré tout ce que tu me fais, tout ce que tu me dis. L'amour est plus fort que tout. Mais toi tu t'en fiches, enfin je crois. Il me semble que la vie n'est qu'un grand terrain de jeu pour toi.
Je t'envie pour ça. Tu arrives à prendre tout à la légère. Même la séparation. Tu te souviens de ta réaction quand ils nous l'ont dit ? Quand elle et lui se sont séparés ? Du haut de tes six ans tu as presque jubilé : « Chic papa, il s'en va. ». Mais c'est cette attitude qui me dépasse et m'énerve. Tu fais mal. Tu joues de nos sentiments.
En fait je crois que tu m'en veux. Parce que c'est de MA faute si la justice a été prévenue de SA violence. Parce que c'est MOI qui suis arrivé à l'école en pleurant, les joues marquées par la main de mon père. Parce J'AI osé penser tout haut qu'ils allaient divorcer. Parce que je suis différent.

Je me sens différent de vous tous. J'entends les gens le dire. Alors je ne me sens plus chez moi. Je cherche ma place parmi vous. Le vilain petit canard attend d'être un cygne, mais ce bel animal ne vient pas.
Alors je pleure. Je ris. J'écris. Je chante. Je dessine. Je lis. Je vis à ma façon. Et tu n'aimes pas. Tu détestes cet univers qui est le mien. Cet endroit qui n'existe pas et où tu n'as pas ta place. Alors tu viens me voir, me rappeler que tu es là. Tu es toujours là. Pas besoin de tes simagrées, de tes provocations pour que je le remarque. Je le sais déjà.

J'aimerais te dire que je t'aime, que je tiens à toi. Que lors de nos dispute je crois que j'ai encore plus mal parce que je cherche à te blesser. Je n'aime pas la violence. Qu'elle soit physique ou verbale. Je hais ça. Peut-être parce que nous avons grandi dedans et que finalement, ce que nous croyions être normal n'était qu'un tissu de mensonge et d'inhumanités.

J'en ai marre tu sais ? Je n'en peux plus de vous voir vous chercher constamment pour imposer votre place. J'en ai eu marre de me faire écraser par toi, par les autres. Alors, quand je me suis relevé tu t'es attaqué à moi. Tu avais enfin une raison de me faire payer les erreurs de mon père. Et puis un jour j'ai fini par en avoir trop pour supporter. J'avais déjà essayé cette solution, pour dire « stop ! C'est trop ! » mais ce n'était pas sérieux. Ce soir par contre je le fais pour de bon. Car être avec vous et devoir passer pour quelqu'un de normal et épanoui en extérieur, je n'aime pas. Tu sais ce masque que vous aimez tellement porter toi et Père. Moi aussi je l'ai mais c'est un masque de joie qui cache la tristesse de mon âme. Alors ce soir je l'enlève. Je fais comprendre à tous que ma vie n'est pas joyeuse. Que je ne supporte pas autant que vous le croyiez. Je vous demande juste pardon. A toi, à mère, à père aussi. Je vous pardonne également. Je te pardonne d'avoir voulu être meilleur que moi en tout en nous rabaissant par la-même. Je pardonne à mère de ne pas avoir su me soutenir et m'aider. Je pardonne à Père de m'avoir fait du mal, de m'avoir torturé l'esprit. C'est en pensant à vous que je pars ce soir.

Bonne chance P. Vis ta vie de Shaw.
Moi je pars...
Ton grand frère qui t'aime.

Histoire d'une Langue de Pute